dimanche 28 février 2010

I LOVE YOU PHILLIP MORRIS

On peut imaginer presque sans effort ce qu’aurait fait Spielberg, même moyennement inspiré, d’un tel sujet. En fait, pas grand chose si l’on se souvient de la belle réussite de son Catch Me If You Can, course poursuite carrément géniale elle aussi inspirée de faits réels, servie par deux stars (DiCaprio et Hanks) qui, lorsqu’elles sont correctement dirigées, savent éviter toute esbrouffe en mettant à profit l'immense étendue de leur talent. Qu’aurait donc eu à gagner le grand manitou du cinéma Hollywoodien à diriger un semblant de remake gay à son propre succès ?
C’est pourtant ce sur quoi ont misés Glenn Ficarra et John Requa, les deux réalisateurs quasi-inconnus de cette série B bien vendue (félicitation aux responsables du plan com de chez Europa Corp., société de Luc Besson, producteur du film) qui ne tient pas vraiment ses promesses.
Les (més)aventures « amoureuses » de Steven Russel ont beau être étonnamment véridiques, ni la mise en scène, qui démarre sur les chapeaux de roues pour s’essouffler au bout d’un tout petit quart d’heure, ni les acteurs (Carrey lourdingue, McGregor en deçà), qui "dans le genre" en font des tonnes, ne permettent à cette comédie poussive et sans aucune originalité de décoller.

Pire, on finit même par perdre le tout petit fond de sympathie que pouvait nous inspirer ce type incontrôlable effectivement hors du commun, et dont la ténacité à toute épreuve a visiblement séduit bien du monde (critiques français itou) … jusqu’à le trouver amoral, vicieux et regretter même d’avoir passer une heure trente avec lui.


lundi 22 février 2010

LOVELY BONES

Dans le même registre, mais peut-être pire (si, si, c'est possible), Lovely Bones est l’adaptation du best seller éponyme d’Alice Sebold (La nostalgie de l’Ange) par Peter Jackson, lui-même vénéré dans le monde entier par des millions d’adeptes de Tolkien pour avoir osé le difficile pari d’adapter la trilogie du Seigneur des Anneaux en trois très, très (mais vraiment très) longs métrages.
Dans le style déjà vu (un petit air seventies de Virgin Suicide, mais là s’arrête la comparaison) en pas trop moche, le début du film convainc plutôt. Jusqu’à ce que l’histoire bascule (l’héroïne est assassinée) et que le film navigue entre deux genres complètement ratés : le thriller désamorcé qui ne démarre jamais, le voyage « métaphysico-initiatique » carrément superflu. A partir de là tout part en vrille. Le réalisateur en fait des tonnes dans un sens comme dans l’autre, et déroule très, très (mais vraiment très) lentement le fil de cette histoire impossible, à l’esthétique singulièrement hideuse (celle que l’affiche laissait présager) et aux effets spéciaux calamiteux.

On se croirait devant la vitrine d’un pâtissier spécialiste du mille-feuille géant dont chaque couche de crème trop épaisse serait de parfum et de couleur différents : tellement lourd que c’en est indigeste.
Sans compter que ça ne finit jamais, ça prend trois plombes pour en terminer et qu’on est juste trop content de se barrer à la fin, épuisé par tant d’acharnement aussi vain que mauvais. Insupportable !

SHERLOCK HOLMES

Beaucoup de sorties en février, mais pas beaucoup de chefs-d’œuvre … c’est le moins qu’on puisse dire.
Mais, que devait-on sincèrement attendre de la version, re-boostée à la testostérone, du flegmatique héros de Sir Arthur Conan Doyle par Guy Ritchie, ex de Madonna et éventuellement « réalisateur » de son état ?
Rien d’extraordinaire si l’on en croît cette succession de pitreries matinées de cascades qu’un casting pour le moins étonnant dans le mauvais sens du terme, et l’absence totale de scénario ne contribuent pas à améliorer.
Censé interpréter le flegmatique Sherlock Holmes, Robert Downey Jr ne fait même pas semblant d’être concerné, quant à son camarade Jude Law (dont le talent s’est amoindri au fur et à mesure que sa belle gueule s’est répandue dans les magazines de mode) il campe un Docteur Watson de bien piètre acabit.

De toute façon, on comprend vite qu’on n’est là que pour la baston et les explosions dans le vacarme, assourdissant, du navet foireux qu’une bande-annonce peu mensongère laissait déjà soupçonner. Bien fait !

samedi 13 février 2010

BROTHERS

Décidément, les histoires de familles sont à l’honneur. Pour son retour auprès d’un public « plus large », l’Irlandais Jim Sheridan (My Left Foot, Au nom du père) s’est inspiré d’un film danois racontant l’histoire ambiguë d’un homme qui tombe amoureux de la femme de son frère porté disparu à la guerre.
Ramenant l’action à l’actualité brûlante, Sheridan toujours enclin à prendre politiquement position même dans un sujet de facture apparemment classique, fait de Tobey Maguire, brave gars de son état, un Marine engagé dans les combats en Afghanistan, laissant femme (la belle et touchante Nathalie Portman) et enfants sous la responsabilité d’un irresponsable de frère tout juste sorti de prison (Jake Gyllenhall très convaincant) et entretenant lui-même des relations conflictuelles avec leur père.
Si le postulat de départ sent presque le réchauffé, très vite Sheridan, à sa manière de ne pas y toucher, insuffle à son histoire juste ce qu’il faut de sensibilité retenue, de non-dits, de tâtonnements, qui donnent à ses personnages la sensation d’être constamment à bout de souffle, pour mieux les interrompre et contrebalancer la pudeur de ceux qui se cherchent par la tension de plus en plus insoutenable de ceux qui, au bord du gouffre, ont peur … jusqu’à l’apothéose, cruelle, qui vient bousculer tous les schémas d'un vaudeville attendu.

Remarquablement interprété (coup de chapeau aux seconds rôles) et sobrement réalisé, ce Brother humble et délicat comblera sans les ménager tous ceux qui aiment le cinéma qui a du corps et de l’esprit.

LE COME BACK !





mercredi 10 février 2010

IN THE AIR

A propos de Up In the Air (titre original), on peut dire tout et son contraire (ou presque) : que c’est une formidable comédie et une fable tragique, une excellente série B et un film de seconde zone, que George Clooney fait du George Clooney, que George Clooney change enfin de registre, que le film a de belles qualités, que le film a de gros défauts, blablabla … tout ceci est vrai.
Difficile également d’omettre son sujet : un type spécialisé dans le licenciement (c’est-à-dire qui fait le sale boulot à la place des autres) sillonne le ciel des Etats-Unis en collectionnant les miles cumulés lors de ses voyages d’affaires. Alors qu’il coache une jeune collaboratrice qui souhaite mettre en place une nouvelle méthode plus expéditive et moins couteuse, il tombe amoureux d’une femme rencontrée lors d’une escale …
Bref, sous le prétexte putassier de film « sociologique », rien de plus ici qu’une sempiternelle histoire de fesses, bien chaste comme savaient déjà en faire tous les américains (et pas qu’eux) avant Jason Reitman (fils d'Ivan, spécialiste de comédies poussives style Ghostbuster, dans les années 80), encore tout auréolé du succès mondial de l’agaçant Juno.

Ça peut faire rire et ça peut déranger, tout dépend de son humeur et de sa journée de travail, quand on en a un ! Reste un couple esthétiquement incroyable, qu’on ne se lasse presque pas de regarder tellement ils sont beaux et vont bien ensemble :
George « Nespresso » Clooney et Vera « qui ? » Farmiga sont, à l'écran, visiblement faits l’un pour l’autre.
What else ?
Ben pas grand chose justement …

mercredi 3 février 2010

CITY ISLAND

A chacun ses secrets ... c’est ainsi qu’aurait pu s’appeler ce gentil film sans prétention qui permet de retrouver avec beaucoup de plaisir un acteur assez discret pour qu’on ait distraitement perdu sa trace.
Dans City Island, Andy Garcia est le personnage principal d’une famille sens dessus dessous qui part en vrille depuis un bon bout de temps, et que l’arrivée d’un taulard sous surveillance conditionnelle ne va pas vraiment arranger.
Interprété par une petite bande de second rôles tous plus attachants les uns que les autres – la touchante Emily Mortimer (déjà vue dans le méconnu mais très sympathique Chaos Theory avec Ryan Reynolds ou encore le formidable Match Point de Woody Allen), le craquant Steven Strait (bien plus à son avantage que dans le navet 10 000) – sans fioriture ni effet de style, City Island est une vrai bonne comédie familiale à la New-Yorkaise qui ne rate pas son coup.

On aurait juste aimé que Raymond De Felitta use d’autant de subtilité dans le dénouement final que dans certaines scènes toutes de justesses et de sensibilité, mais dans le genre c’est franchement une très bonne surprise.
Un très bon moment !

lundi 1 février 2010

GAINSBOURG (VIE HÉROÏQUE)

Impossible de croire une seule seconde que Joann Sfar ne savait pas dans quel projet, casse-gueule au possible, il mettait les pieds en s’attaquant à une Légende. Déjà fameux auteur de BD et trublion qui n’a ni le crayon, ni la langue dans sa poche, Sfar le terrible n’en est pas moins un type doué, très créatif.
C’est ce qui fait du premier chapitre de son Gainsbourg, une totale réussite, une subtil mélange de conte (ce qu’il revendique) et de vérités transformées.
En une succession de courts tableaux qui ne sont pas sans rappeler les pitreries poético-métaphoriques d’un Gondry tout aussi barré, en une combinaison subtile d’acteurs et d’actrices très inspirés (Yolande Moreau – évidente – en Fréhel, Anna Mouglalis – captivante – en Gréco et Laetitia Casta – bluffante – en Bardot …), le réalisateur, dont c’est ici le premier film, relève miraculeusement la gageure en évitant pratiquement tous les pièges du biopic barbant, bavard et grossier.

Pourtant, ce sont bien en partie toutes ces qualités qui vont se transformer en défauts dans la deuxième moitié de cette drôle de descente aux enfers, telle que semble avoir voulu la réinterpréter le réalisateur dès lors que Gainsbourg séduit Jane. En partie, mais pas seulement.
Un brin longuets, les dialogues de l’homme à tête de chou avec son double maléfique deviennent alors redondants, dans la reconstitution d’une carrière où les excès l’emportent sur le génie et son travail plus discutable.
Gainsbarre, moins convaincant, moins touchant, carrément agaçant même, vient écorcher le tableau du dandy timide qui l’avait emporté (grâce aussi à l’interprétation impressionnante d’Eric Elmosnino) sur les réticences légitimes d’un spectateur en proie aux doutes de celui pour qui l’artiste n’a pas disparu depuis si longtemps que ça.
La pauvre Lucy Gordon a beau se donner corps et âme, on n’y croît pas une seconde : Birkin n’est pas là … elle n’est pas sur l’écran parce qu’elle est dans nos vies, qu’elle ne vieillit toujours pas et quelle fait partie de nous, de notre (d’une certaine) histoire de la chanson française au même titre que son pygmalion de mari quand il venait faire scandale sur les plateaux télé de samedis soirs gentillets.
La suite (la rencontre avec Bambou) est à l’avenant. Plus le film avance et plus on a envie de se tirer, de rester sur notre toute première impression, l’idée de génie, quand le cinéma sait user de toutes ses ficelles (celles de l’animation, le masque du marionnettiste) pour nous captiver.

C’est dommage, certes, mais gageons que Joann Sfar saura tirer toutes les leçons de cette première tentative (celle d’un fan, ne l’oublions pas) pour réussir enfin à nous séduire totalement et éviter, peut-être, de se laisser vampiriser par son immense sujet …