lundi 30 juin 2008

QUANTUM OF NOVEMBER

Depuis quelques heures seulement, le teaser trailer (une pré-bande-annonce) du prochain James Bond est enfin disponible. 

Record de téléchargement sur tous les sites qui l'ont déjà proposé, ce petit aperçu du 22ème épisode de notre agent secret préféré confirme le virage déjà effectué par son prédécesseur, Casino Royale, dont il est (une première dans la série) la suite directe : ton plus brut, plus radical, plus actuel et surtout plus sombre. Vivement novembre !!!


VALSE AVEC BACHIR

Soldat juif pendant la guerre du Liban en 1982, le réalisateur Ari Folman raconte sa lutte pour exorciser ce qu'il y a vécu.
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Oublier l’idée qu’on se fait d’un documentaire sur le sujet, oublier l’idée même qu’on se fait d’une fiction animée ... c’est presque la gageure à laquelle l’auteur convie tout spectateur ayant le courage de braver le postulat forcément lourd de Valse avec Bachir.
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Une succession de témoignages intercalés de scènes qui s’approchent inexorablement du point culminant et éminemment dramatique du film, le massacre des réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, pour rendre compte de toute son abomination, de toute l’horreur des tragédies liées à cette succession de conflits dont les populations civiles du Moyen-Orient sont les premières victimes.
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Mais, si le propos (le devoir de mémoire) est louable en soi, le moyen pour y parvenir reste, malgré le concert de louanges d’une presse unanime, extrêmement casse-gueule. D’abord, l’animation en tant que mode d’expression documentaire induit forcément une mise à distance qui, dans le propos, dérange.
Dans la forme également.
Les témoins, les personnes interrogées par le cinéaste qui se met lui-même en scène sont redessinées à l’identiques et exposent longuement, en hébreux, leur vision des évènements. Pourquoi ce jusqu’auboutisme pictural ?
Tout paraît lent, léger et empesé à la fois, filtré et transformé.
imageD’un esthétisme remarquable et donc, forcément, discutable, le film souffre indéniablement de ce choix radical.
Un choix qui fausse toute adhésion et se pose juste en illustration moderne d’une psychanalyse (celle de Folman) qu’on aurait souhaitée plus sobre, moins « manigancée »... jusqu'à ces images d’archives, effroyablement vraies.
Bouleversantes, elles font basculer le film du dessin animé distancié à la réalité froide, directe et sans fard de l’actualité.
Celle d’hier ... celle de demain ?
Et s'il fallait une seule bonne raison d'y aller, ce serait au moins celle-ci !

mardi 24 juin 2008

NEURONES SEXUELS

Des neuroscientifiques suédois ont détecté des similitudes entre les cerveaux des homosexuels et ceux des hétérosexuelles, ...
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... entre ceux des homosexuelles et ceux des hétérosexuels !
Ce qui tendrait à prouver qu’il est possible de déterminer l’orientation sexuelle d’une personne à partir de ses neurones.
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Selon un article paru la semaine dernière dans The Guardian, les scans effectués par les scientifiques de la prestigieuse Université du Cerveau de Stockholm - qui démontrent que les deux hémisphères des cerveaux des hétérosexuelles et des gays ont exactement la même taille, alors qu’à contrario l’hémisphère droit des cerveaux des hétérosexuels est significativement plus large que le gauche (2%) et donc pratiquement identique à celui des lesbiennes (1% plus large que le gauche) - permettraient de déterminer qu’il existe des correspondances entre les réponses émotionnelles d’un homme attiré par les hommes et celles d’une femme attirée par les hommes. Et inversement !
image Ces recherches malheureusement très sérieuses, qui ont été publiées récemment par le neurobiologiste Ivanka Savic dans le US journal Proceedings of the National Academy of Sciences, suggèrent donc que les facteurs biologiques susceptibles d’influencer l’orientation sexuelle façonneraient l’anatomie du cerveau et définiraient certaines spécificités communes à chacun des deux groupes : une certaine aisance dans la pratique du language pour les gays et les hétérosexuelles, une perception accrue de l’espace pour les lesbiennes et les hétérosexuels, grâce donc à leur hémisphère droit plus important (confirmation d’une étude précédemment menée par des chercheurs britanniques qui affirmaient déjà que les gays et les hétérosexuelles avaient un sens de l’orientation beaucoup moins développé que les homosexuelles et les hétéros mâles).
Je continue ???
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Pour vous rassurer (quoi que) sachez que ces recherches ont été menées sur pas moins de 90 volontaires d’âges similaires partagées en 4 groupes ... vous savez lesquels.
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Bref, reste maintenant à savoir si ces fameuses modulations du cerveau sont vraiment responsables de l’orientation sexuelle ou si elles en sont la cause ... et donc à étudier la symétrie de cerveaux de nombreux nouveaux nés pour voir s’il sera possible d’y déceler l’orientation sexuelle de ces petits chérubins.
Et tout ça pour quoi ??? ...

mercredi 18 juin 2008

A PHOTOGRAPHER'S LIFE

La photographe américaine la plus réputée du showbiz s’expose jusqu’au 14 septembre à la Maison Européenne de la Photographie.

L’exposition et l’album formidable, qui rassemblent ainsi près de 200 clichés tous pris entre 1990 et 2005, portent bien leur titre :
A Photographer’s Life.

Elle regroupe à la fois une partie du travail éditorial, notamment les portraits de célébrités que l’artiste a réalisé pour les magazines Rolling Stone (mais pas la célèbre photographie de Yoko et John, plus datée, prise juste avant l'assassinat de celui-ci) et Vanity Fair (dont la fameuse couverture avec Demi Moore enceinte), l’illustration de certains évènements marquants (le 11 septembre, la guerre en Bosnie, les élections américaines ...), mais aussi de nombreuses images intimes qui accompagnent et éclairent d’un œil neuf la carrière de cette icône de la mode, des médias et du star system.

Je n’ai pas deux vies distinctes. J’ai une vie, et les photos personnelles en font partie au même titre que les œuvres de commande ...
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C’est ainsi qu’Annie Leibovitz introduit l’album très personnel de sa relation avec la philosophe Susan Sontag (décédée d’un cancer en 2004), de sa vie de famille (la naissance de ses filles, la mort de son père ...) et de ses voyages (paysages de l’ouest américain, du désert jordanien ...).
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Bref, 15 années d’une intensité telle que le charmant espace disparate et trop contraint de la MEP restreint, et ce d’autant plus que la photographe a souhaité mélanger, sans forcément les harmoniser, tous ces moments de vie proposés entre parenthèses (celles de la période annoncée, parfaite pour un catalogue, un peu chiche pour une exposition).
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Alors, au fil d'immenses paysages neutres ou étonnants, de grands portraits couleur que l’on connaît par cœur, les formats plus discrets de cette intimité perdent un peu de leur force ... celle que l'instantané, la spontanéité, ont su rendre touchante.
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dimanche 15 juin 2008

PHÉNOMÉNALEMENT CON

Central Park, 8h30 : le temps s'arrête. Les promeneurs s’immobilisent, se suicident. A quelques blocs de là, des ouvriers sautent dans le vide ...

Une expérience absolument redoutable ! Film invisible avant sa sortie mercredi dernier - pas fous, les dirigeants de la Fox s’étaient bien gardés de divulguer le moindre bout de pellicule à l’exception de deux bandes annonces (une familiale pour les salles, une plus confidentielle et carrément gore pour le net) mensongères – ce Happening indigeste n’est rien moins qu’un simili blockbuster mou sans acteur (ce qui, je vous l’accorde, est plutôt fréquent dans le genre), mais surtout sans budget.

Côté intrigue, on n’est franchement pas gâté : scénario bâclé, suspens dérisoire, dialogues ineptes qui prêteraient presque à sourire si, par cette abjecte mais désormais courante exploitation de certaines situations répugnantes, le réalisateur complaisant ne confrontait pas le spectateur à son propre voyeurisme.

Ainsi, cumulant les scènes de suicides collectifs ou individuels de plus en plus ignobles, à la moralité fort discutable (un iPhone diffusant les images atroces d’un gardien de zoo se faisant dévorer par ses propres lions), au fil d’une histoire trouble qui mélange fantastique (on convoque Hitchcock, c’est bien pratique), actualité (références récurrentes aux attaques terroristes) et sentimentalisme (l’incommunicabilité au sein du couple), Shyamalan s’enfonce dans l’impasse morbide d’une démonstration périlleuse, consternante, sans relief ni originalité, sans humour et totalement dépourvu de second degré.

Une fois atteint le point de non retour (le héros (dés)incarné par Mark Wahlberg s’essayant à une pseudo réflexion scientifique ou flattant carrément une plante ... en plastique), le spectateur le plus indulgent est forcé de constater que l’auteur (chanceux ?) du Sixième sens ou du sous-estimé Incassable, est définitivement incapable de réitérer ses exploits passés : captiver et surprendre !

A défaut, pour peu qu’on soit susceptible de faire preuve de patience, on attendra le ridicule épilogue parisien, preuve indiscutable (si le doute était encore permis) qu’il s’agit juste d’un navet moralisateur faussement écolo et phénoménalement … con !

samedi 14 juin 2008

LETTRES D'AMOUR EN SOMALIE

Il y a des livres que, pour d’obscures raisons (mais, en définitive, sont-elles si obscures ?), on repère, dans une librairie, au milieu de beaucoup d’autres : ...

... un nom sur une couverture, vaguement évocateur, un paysage sur une jaquette, un titre dont la douceur nous plaît.

Des livres qu’on feuillette, au hasard, dans cette même librairie, et dont la course s’interrompt sur une phrase qui nous crucifie : « Parfois, le désespoir est un sentiment calme ».
Des livres qu’on emporte, serrés contre soi, avec l’espoir qu’une fois rentré dans le silence d’une chambre, on y retrouvera cette musique dont une seule note nous a pincé le cœur.
Des livres qu’on ouvre, en tremblant et qu’on referme, quelques heures plus tard, avec la certitude qu’un basculement vient de se produire, dont on ne mesurera pourtant les effets que longtemps après.
Des livres qu’on porte, pendant des années, qui ne nous quittent pas, dont quelques lignes nous obsèdent. On en lit d’autres cependant, on en aime d’autres mais on demeure imprégné de celui-là, comme d’un parfum qui ne s’estomperait jamais tout à fait.
Lettres d’amour en Somalie de Frédéric Mitterrand est pour moi, de ces livres.


J’avais dix-huit ans et je ne laisserai personne me faire croire que c’est le plus bel âge. J’avais dix-huit ans et déjà, je cherchais dans la littérature une réponse à mes questions, une issue à mes intuitions, ainsi qu’un baume à mes tristesses. J’avais le pressentiment que je débusquerais dans les mots des autres un écho aux mots que je ne parvenais pas à prononcer, une direction à emprunter peut-être, et l’occasion de ne plus me sentir seul. 


Ces « lettres d’amour » sont arrivées à point nommé, comme s’il n’existait pas de hasard, comme si on finissait toujours par rencontrer ce qui nous ressemble. Elles sont d’un homme quitté, d’un homme rendu à la solitude par la décision d’un autre. Le narrateur a aimé passionnément, aveuglément peut-être, il s’est jeté dans l’amour sans précaution, sans retenue, il a fini par prendre des habitudes, par croire que cela durerait toujours, il s’est niché dans un lit, dans une vie et, un jour, sans qu’il aperçoive les signes avant-coureurs des désastres, il a été jeté hors de ce lit, de cette vie. La confession s’ouvre tandis qu’il y revient par effraction, une dernière fois, en devinant que c’est le geste ultime avant la souffrance pure. 
Et il comprend combien les désastres étaient en marche depuis longtemps.
Alors cet homme cherche un échappatoire à sa douleur, il lui vient l’idée d’un exil, le besoin d’un ailleurs. Mais puisqu’il faut partir, s’éloigner, autant se diriger vers un pays supplicié. Non, il ne choisira pas le soleil, la quiétude d’un voyage d’agrément, des palaces exotiques dans des contrées protégées, il préférera aller se confronter à la misère, à la désolation, à l’âpreté. Voici qu’il embarque pour la Somalie. 
La Somalie, où l’attendent les déshérités, les déclassés, les proscrits, les malchanceux. A-t-il le secret espoir, l’affreux espoir que le malheur des hommes sur notre planète rétrécie pèsera plus lourd que le sien, que le chagrin des autres estompera le sien ? Ou simplement lui faut-il aller jusqu’aux frontières de la désespérance, là où aucune rémission n’est possible ?


Frédéric Mitterrand dit le destin brisé des hommes de là-bas, la folie des nations, l’inconséquence des décideurs du monde, la marche vers le néant d’un peuple vaincu. 
Il dit aussi, comme en un écho amorti, son propre deuil, le chaos de son existence, la certitude tragique qu’il a tourné le dos pour toujours au bonheur.
La voix de l’amoureux et le lamento de la Somalie se mélangent, s’entrecroisent, se répondent. Et nous les entendons, très distinctement. Car ces lettres ne sont pas seulement écrites, elles nous sont lues, murmurées à l’oreille.
Les souvenirs affluent. Tout est prétexte à leur résurgence. Car, dans la tristesse, de partout, on reçoit des signes. Défilent alors les souvenirs de l’intimité perdue, des joies confisquées. Des souvenirs de cinéma aussi puisque les personnages des films nous ressemblent toujours étrangement. Des souvenirs de littérature puisque les livres racontent toujours notre histoire. Des souvenirs de l’homme au genou malade, ce Rimbaud qui flotte comme un fantôme. Des souvenirs d’un roi déchu avant l’effondrement des puissances coloniales. Tout s’entrechoque et nous renvoie immanquablement à notre propre mémoire. Et l’on mesure soudain que ces lettres ne seront jamais envoyées, qu’elles sont destinées à un être qui ne les lira pas, qu’elles n’existent que pour elles-mêmes et pour atténuer, un peu, et de manière factice, la peine. Oui, elles sont écrites au désert, au vent, au dénuement. Elles ne seront pas enfermées dans des enveloppes, elles ne seront pas glissées sous la porte de l’appartement où un autre a pris la place. Elles auraient pu tout aussi bien finir dans un tiroir, être abandonnées dans une chambre d’hôtel mais Frédéric Mitterrand, à son retour en France, décide de les publier. Non comme une bouteille qu’on jette à la mer mais comme on solde un compte, comme on publie un acte de décès. Il lui faut aller jusqu’au bout de cet amour perdu. Il les offre à ceux qui ont vécu la même histoire, à toutes les femmes et tous les hommes, en somme.

Il m’est arrivé souvent de les lire à voix haute, ces lettres, devant des gens. Et à chaque fois, j’ai surpris dans leur regard un vacillement. Ces gens qui, au commencement de ma lecture, m’écoutaient distraitement se raidissaient tout à coup, devenaient attentifs. Une émotion solennelle s’emparait d’eux. A la fin, ils venaient me voir, ils parlaient bas, tentaient de dissimuler leur commotion, n’y parvenaient pas vraiment. Sans doute s’étaient-ils reconnus dans les mots.
Il m’est arrivé souvent aussi d’offrir ce livre. Je sais qu’il est demeuré longtemps sur des tables de nuit, sur des bureaux, que des pages en sont cornées, que des passages en sont soulignés. Cela n’arrive qu’aux livres qui nous parlent de nous.
Aujourd’hui, en rédigeant cette préface, d’une main tremblante, je sais que je vous convie à un voyage dont vous reviendrez différent. On ne revient jamais indemne d’un texte déchirant. 
Laissez-vous porter par cette voix lancinante, à la fois blessée et étrangement paisible. Laissez-vous envahir par les images terribles d’une Somalie à la dérive. Et puis, quand vous aurez refermé le livre, restez quelques instants dans le silence.

C’est saisissant, ce qui tient dans un silence.

Philippe Besson, préface.

mercredi 11 juin 2008

GURSKY

Né à Leipzig en 1955, le photographe allemand Andreas Gursky travaille systématiquement sur les principes de la répétition et du rythme.
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A partir de sujets somme toute assez banals (issu de la célèbre école de Düsseldorf, il a étudié auprès de Bernd et Hilla Becher, auteurs des fameuses « typologies », ce référencement photographique neutre de bâtiments industriels), il travaille uniquement des tirages en couleur et n’hésite pas à recourir ensuite à la retouche numérique pour accentuer l’effet procuré par ses prises de vues.
image Ses images gigantesques à la définition impeccable, qui atteignent ou dépassent régulièrement les deux mètres, permettent la multiplication des niveaux de lecture en fonction de la distance d’observation : une vue d’ensemble où se côtoient, en une composition personnelle esthétique, le jeu des couleurs et la répétition jusqu’à l’infini des motifs devenus formes géométriques ... puis, en se rapprochant, l’étude spécifique de points plus précis (les détails d’une façade, l’état d’une terrasse, un intérieur derrière une baie, des objets ...).
image L’apparence parfois basique voire simpliste des compositions, qui met en évidence la structuration des éléments, laisse entrevoir comme en filigrane le sens profond de chacune d’entre elle, dans la plupart des cas une critique sous-jacente de la société de consommation.
Dans l’œuvre de Gursky, l’humain est réduit à sa plus simple expression, celle de la silhouette anecdotique ou celle de la foule immense, qui chaque fois subit plus qu’il ne vit son environnement devenu picturalement spectaculaire et vertigineux ... sous l’œil de l’artiste.
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